Une conférence internationale à l’Université Hébraïque annulée suite à la « tourmente » judiciaire en Israël

Les organisateurs ont évoqué la ‘situation inquiétante et tendue’ en Israël ; le président de l’université avertit : C’est un exemple immédiat de ce qui pourrait arriver d’autre au milieu universitaire.

Une très importante conférence internationale sur l’économie comportementale prévue pour le mois de mai à l’Université Hébraïque de Jérusalem a été annulée par les organisateurs à cause de la « tourmente » générée par le coup d’État décrété par le gouvernement.

Les organisateurs ont répondu à la requête de l’université et ont suspendu la décision d’annuler l’événement, mais, après le rejet par la coalition du compromis du Président Isaac Herzog, ils ont finalement annoncé son annulation.

Le comité organisateur, constitué de trois chercheurs de l’étranger et de deux d’Israël, a envoyé aux participants une lettre qui disait que la situation en Israël demeurait inquiétante et tendue et qu’aucune solution n’était attendue dans un avenir proche. « Par conséquent, nous sommes obligés de conclure qu’il ne serait pas bienvenu de tenir une conférence au milieu de cette tourmente. »

Cette conférence devait célébrer le 50ème anniversaire de l’œuvre fondatrice de feu le chercheur Amos Tversky et Daniel Kahneman, pour laquelle ce dernier a reçu le Prix Nobel de Sciences Économiques en 2002. Les organisateurs ont dit que cet événement devait être l’un des plus important au monde sur la façon de prendre des décisions dans un contexte d’incertitude.

Le président de l’Université Hébraïque, le professeur Asher Cohen, a dit : « C’était supposé être une conférence d’une qualité extraordinaire pour laquelle on avait invité des scientifiques de premier plan. »

« Des institutions comme l’Université Hébraïque existent aussi sur la base de la coopération internationale. Cette annulation est un exemple immédiat de ce qui pourrait arriver d’autre au milieu universitaire. Les dommages vont être durables et pourraient être irrévocables. »

Le Professeur Richard Thaler de l’Université de Chicago, l’un des membres du comité organisateur, pionnier des sciences du comportement et d’économie et lauréat du Prix Nobel des Sciences Économiques en 2017, a dit à Haaretz que les initiateurs de l’événement avaient suivi de près l’évolution de la situation en Israël. « Nous avons décidé à regret que nous ne pouvions pas organiser cet événement pour l’instant. Non seulement il est difficile de prévoir l’évolution de la situation à Jérusalem d’ici deux mois, mais par ailleurs, nous avons pensé que la majorité des participants à la conférence soutiennent le mouvement pro-démocratie en Israël et ne voudraient pas se trouver en travers du chemin de manifestants pacifiques ou signifier un soutien tacite aux actions du gouvernement de Netanyahou, qui menacent à la fois la démocratie et l’État de droit. »

Le chef du Comité, le Professeur Ran Hassin de l’Université Hébraïque, a dit : « La venue de tous les grands pionniers de la discipline était prévue, c’était l’un des plus grands événements au monde de ces dernières années dans ce domaine, avec plus de 50 invités venant de l’étranger. »

Il a ajouté : « Les chercheurs de l’étranger n’ont pas voulu venir. En plus des considérations idéologiques, très claires ici, il y en avait aussi de pratiques. Ils surveillaient les nouvelles et voyaient les émeutes à Hawara, les agressions terroristes à Tel Aviv. Ce n’était pas très attrayant. »

Il a prévenu que cette annulation pouvait être un indicateur des dommages portés au statut d’Israël dans la communauté scientifique internationale. La situation politique en Israël pouvait avoir un impact sur le financement des scientifiques israéliens par l’étranger, a-t-il dit. « Ça commence avec des conférences et on ne sait pas très bien jusqu’où cela ira. J’entends déjà parler de groupes de l’étranger qui hésitent à prendre des partenaires israéliens. Sans partenariat international, il n’y a pas de science », a-t-il dit.

Le Professeur Eldar Shafir, directeur du centre des Sciences Comportementales et de la Politique Publique à l’Université de Princeton, qui était également membre du comité organisateur, a dit à Haaretz : « Ce fut une triste et difficile décision. Malheureusement, nous avons eu le sentiment que la situation n’était pas propice à des événements de célébration. »